Nathalie Esnee Studio : POP FLOWERS

Le cycle s’ouvre sur la série Inspiration du Brésil. Là-bas, la luxuriance n’est pas un décor mais une pression concrète qui enveloppe la rétine. La lumière sature, la sève affleure, la feuille gagne du terrain. Devant cet excès du vivant, Esnée rejoint une lignée d’artistes bousculés par la forêt tropicale et ses disproportions, Jean-Baptiste Debret face au vert vertical et ininterrompu, Krajcberg trouvant dans le bois brûlé une énergie tellurique ou encore Burle Marx transformant le végétal en grammaire de rythmes et d’aplats. Dans cette atmosphère chaude et humide, la couleur d’Esnée se densifie, les matières s’épaississent, la forme se cherche au bord de l’éblouissement. Ce ne sont pas des vues pittoresques, ce sont des sensations capturées, des intensités rendues visibles.

La série Balade dans les bois déplace la scène vers une forêt plus proche, presque intérieure. Entre fragments de sous-bois et impressions rêvées, l’artiste compose une marche où l’œil avance au rythme de la main. On retrouve l’esprit de ce que le Musée Zadkine a mis en lumière avec son exposition Le rêveur de la forêt (2020), la forêt comme matrice et non motif, un lieu d’immersion, d’imprégnation, de métamorphose du regard. Chez Esnée, cette rêverie se fait par couches, frottages, reprises, une avancée prudente où chaque nuance raconte la force et la fragilité du vivant. Le spectateur n’est pas devant un paysage, il y entre, il respire avec lui.

Un pivot technique accompagne ces deux ensembles. Il tient à l’usage accru de la couleur et à son déploiement sur toute la surface. La couleur n’intervient plus comme quelques touches qui ponctuent un fond blanc, elle envahit le champ, structure l’espace, fabrique la lumière. Par superpositions, aplats, reprises, elle devient architecture visuelle. Les formes apparaissent, se dissolvent, réapparaissent, oscillant entre figuration et abstraction expressive. Par endroits, un écho de Hockney se devine, non la citation, plutôt la joie assumée des aplats et des transparences.

Ce travail prolonge une même quête, la recherche de soi par l’expérience du monde. L’an passé, les références au poème persan Le Cantique des oiseaux, très présentes, disaient déjà cette quête de soi en forme de voyage initiatique, mais dans un paysage non vécu. Ici, avec Pop Flower, le cheminement se fait dans des paysages éprouvés, sentis, traversés. Le cadre change, l’exigence demeure. Le végétal devient un milieu à habiter pour mieux se reconnaître, le trop-plein tropical et la pénombre des bois servent une même exploration silencieuse.

Les œuvres de Nathalie Esnée célèbrent la diversité du monde sans en lisser l’intensité. Elles invitent à une attention neuve, une disponibilité du regard. Rien d’illustratif, tout d’expérientiel. On y entre comme sous un couvert d’arbres, avec curiosité, et l’on en ressort un peu déplacé, un peu plus clair sur ce que la couleur, parfois, sait dire à notre place.

With Inspiration from Brazil, Nathalie Esnée confronts the tropical forest’s overwhelming vitality: saturated light, rising sap, and unchecked growth. Like Debret, Krajcberg, or Burle Marx, she transforms this excess into dense color, layered textures, and forms on the verge of abstraction. These works capture sensations rather than views, intensities rather than scenes.

Walk in the Woods shifts to a closer, more intimate forest. Fragments of undergrowth and dreamlike impressions compose a journey where the viewer enters rather than observes. Layers and rubbings reveal both strength and fragility, evoking the forest as a space of immersion and transformation.

Across both series, color becomes the true architecture—covering the surface, structuring space, and generating light. Shapes appear, dissolve, and reemerge between figuration and abstraction, at times recalling the joy of Hockney’s planes and transparencies.

With Pop Flower, Esnée continues her search for self through lived landscapes. Her works invite attentive looking, offering not illustration but experience: an entry into the world’s intensity, from which one emerges subtly transformed.


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